Au cœur des Cévennes, à quelques kilomètres d’Alès, la petite commune de Saint-Félix-de-Pallières, 229 habitants, est l’objet de toutes les attentions des pouvoirs publics, des grands médias et des associations. Il est vrai que le sujet est grave et ne peut qu’inquiéter et étonner. Inquiéter parce qu’il met en cause la santé publique et étonner parce que s’il surgit aujourd’hui, il existe depuis plusieurs décennies.
La population du village et des environs, notamment de la commune voisine de Thoiras, est entré en ébullition en 2008, après qu’un rapport scientifique de Géoderis ait porté à sa connaissance l’existence d’une très forte pollution chimique qui ne devrait pas permettre sur une large partie du territoire, toute exploitation agricole et toute production potagère ou fruitière. Le risque pour la santé humaine mérite donc être considéré avec le plus grand sérieux.minesLa source du danger se trouve dans une ancienne mine de plomb située

sur les hauteurs des deux communes placées sur leurs deux versants. La société La Vieille Montagne a cessé de l’exploiter en 1971 en laissant le site en l’état. Les produits chimiques, plomb, arsenic, cyanure, cadmium, mercure, thallium, antimoine, chrome, nickel, zinc, phosphore affleurent aujourd’hui sur plusieurs hectares du site. Leurs odeurs sont pestilentielles et leur acidité attaque immédiatement et violemment les muqueuses et les yeux ainsi que nous l’avons vérifié. On ne peut être étonné que par temps sec, leurs poussières soient transportées par le vent sur les habitats voisins et que par temps de pluie, les eaux les transportent dans les ruisseaux et prairies. Mais on peut en revanche être étonné de l’usage qui est fait de ce territoire.
Il est en effet considéré ici comme une sorte de parc à usage touristique et de promenade. Il est envahi par les motos, les voitures 4X4 de randonnées et par les « quads » qui bouleversent les sols, ajoutent à leur friabilité, et déstabilisent les terrains ce qui favorise les transferts par le vent et par l’eau. Les promeneurs du dimanche y sont nombreux, tel ce jeune père de famille et son petit enfant que nous avons rencontrés sur les sables chimiques. Le père nous dira qu’il suit l’itinéraire que lui a conseillé le syndicat d’initiative d’Alès et il tombe des nues quand il apprend qu’il se trouve sur des sols pollués au niveau le plus extrême.
Mais ce territoire des anciennes mines n’est pas qu’un parc de loisirs, ce qui complique singulièrement la situation. En effet, un propriétaire disposant d’une trentaine d’hectares, dont près de 5 achetés en 2000 à la société Union minière de France, qui succédait à La Vieille Montagne, pour le prix dérisoire de 14 000 francs, a affecté ces derniers à de toutes autres activités, ayant pour point commun de ne pas être autorisées. Des véhicules servant d’habitats y sont installés à l’année ainsi qu’une petite entreprise de fabrication de jus de fruit et de bières installée dans un camion, et des animaux domestiques et des volailles parqués ici et là. Ponctuellement, le propriétaire des lieux organise, sous le couvert de l’association La Mine, des manifestations d’une autre ampleur du type « rave party ».
Celles-ci sont particulièrement importantes, le maire et les voisins parlant de milliers de personnes qui se réunissent pendant 5 jours, le temps des préparatifs et des démantèlements multipliant par trois cette durée. La Mine publie quelques vidéos sur « YouTube » qui permettent de prendre la mesure de ces réunions. Les enjeux sanitaires changent d’échelle à la fois en raison du nombre des personnes exposés et du bouleversement des sols qui en résultent.
Mais d’autres enjeux d’ordre public apparaissent encore. Nous sommes dans une forêt où les résineux sont nombreux, le développement d’un incendie pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les participants et les riverains les plus proches. On sait aussi qu’une « rave party » est source d’inconvénients multiples pour les riverains. Ceux de Saint-Félix se plaignent d’incivilités, de menaces, de dégradations et relations parfois violentes, ils soulignent que l’économie de la drogue est en déplacement chez eux et surtout qu’ils sont contraints de subir un enfer sonore pendant toutes ces manifestations.
Les données qui caractérisent le risque auquel sont soumis les habitants de Saint-Félix-de-Pallières sont, on le voit, de natures très différentes. C’est cependant sur le plan scientifique qu’elles nous paraissent être les plus simples, car il est avéré que le territoire de la mine constitue un danger à forte potentialité. En revanche, les pratiques sociales s’apparentent à un écheveau qu’il sera difficile de dénouer sans une volonté forte des pouvoirs publics, soutenue par des objectifs concrets.

Télécharger l'article complet rédigé par Hubert Seillan, André Picot, Jean-François Narbonne et Stéphane Garcia ; publié dans le magasine Préventique (N° 129- Mai-juin 2013)

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